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Marina Laloux-Failliot

Phobie scolaire : Peut-on avoir peur d’aller à l’école ?

Dernière mise à jour : 13 oct. 2023

Alors qu'ils aiment les études et sont désireux d'apprendre, les enfants ou les adolescents atteints de phobie scolaire ressentent une angoisse massive et incontrôlable face à leur établissement (école, collège, lycée ou faculté) et à l'environnement scolaire, qui les met dans l'incapacité de se rendre en cours.


La principale définition utilisée est celle du Dr Ajuriaguerra, neuropsychiatre, en 1974 : « il s'agit de jeunes qui, pour des raisons irrationnelles, refusent de se rendre à l'école et résistent avec des réactions d'anxiété très vives ou d'angoisse si on les force à y aller ». Alors qu'ils aiment les études et sont désireux d'apprendre, les enfants ou les adolescents atteints de phobie scolaire ressentent une angoisse massive et incontrôlable face à leur établissement (école, collège, lycée ou faculté) et à l'environnement scolaire, qui les met dans l'incapacité de se rendre en cours. Il en résulte un absentéisme scolaire important, dont les conséquences peuvent être graves sur le plan scolaire, social et professionnel.




Pourquoi ?


La phobie scolaire n'a pas d'explication univoque. Elle pourrait dans certains cas être liée à une réactivation d'angoisses de séparation, que cela soit à l'occasion d'un évènement traumatisant ou non (déménagement, changement d'école, décès d'une personne de l'entourage, séparation des parents...). Il semble en outre y avoir un parallélisme entre la fréquence des phobies scolaires et la valorisation des études, tant au plan individuel et familial qu'au plan social.


Quels symptômes et quelles conséquences ?


La phobie scolaire se déclenche avec une plus grande fréquence au moment de l'entrée au cycle élémentaire ou de l'entrée au collège. L'enfant éprouve une angoisse croissante au moment de partir pour l'école, jusqu'à refuser de quitter la maison. L'angoisse peut être verbalisée, et/ou s'exprimer de façon plus implicite par des manifestations somatiques : maux de ventre, nausées, maux de tête, sueurs, sensation de malaise... Si le jeune est contraint à aller à l'école, des manifestations plus « bruyantes » peuvent apparaitre : pleurs, cris, agitation, violence. La panique est telle que l'enfant n'est pas accessible à la discussion ou au raisonnement. Si les parents cèdent à sa demande, il se calme et promet de retourner à l'école le lendemain ; les symptômes disparaissent. Mais la scène se répète à l'identique le jour d'après. Parfois, l'enfant arrive à se rendre à l'école mais arrivé sur place, l'angoisse est telle qu'il est obligé de rentrer au domicile. D'autres fois encore, la crise d'angoisse et le besoin de rentrer à la maison apparaissent à l'occasion d'une remarque ou d'une altercation minime avec un camarade ou un enseignant. Ces manifestations disparaissent lors des vacances et des week-ends, pour réapparaitre à l'approche de la rentrée. L'enfant garde le gout des apprentissages scolaires et ne refuse pas de travailler à la maison. Dans un certain nombre de cas, il a tendance à rester de plus en plus confiné chez lui et se retire progressivement de ses activités de groupe sur le temps extra scolaire, pour se replier sur la cellule familiale. En l'absence de prise en charge adaptée, la phobie scolaire risque d'évoluer vers une rupture sociale et scolaire dont les conséquences peuvent être lourdes : isolement social et affectif, dépression, abandon de la scolarité avec des conséquences graves pour l'avenir professionnel et un risque de marginalisation.


Quelques chiffres


La phobie scolaire concernerait plus de 1% des enfants d'âge scolaire ; elle représente 5% des motifs de consultation en pédopsychiatrie. Elle atteint les garçons comme les filles, les bons élèves comme les moins bons, et toutes les catégories socioprofessionnelles.


Traitement


Il faut absolument éviter une chronicisation des troubles et favoriser un retour à l'école le plus vite possible. La vie à la maison induit en effet des « bénéfices secondaires » (télévision, modifications des habitudes alimentaires ou du rythme de sommeil...) qui risquent de conforter l'enfant ou l'adolescent dans sa situation. L'objectif de la prise en charge consiste à aider progressivement l'enfant à se confronter à sa peur plutôt qu'à la fuir. Elle implique une collaboration étroite entre l'élève, sa famille, l'école et les soignants. Elle repose en règle générale sur une prise en charge psychologique pour l'enfant (souvent de type psychothérapie cognitivo-comportementale), parfois sur une thérapie familiale, et sur la mise en place de mesures concrètes pour permettre une réinsertion scolaire progressive. Pour calmer des manifestations d'angoisse importantes, un traitement médicamenteux anxiolytique peut être prescrit pour une courte durée. Il est très rare qu'une hospitalisation soit nécessaire dans ce contexte.


Conséquences sur la vie scolaire


De part sa nature même, la phobie scolaire induit un absentéisme scolaire important qui, en l'absence de prise en charge adaptée, peut aboutir à une déscolarisation. La réinsertion en milieu scolaire est donc un élément à part entière de la prise en charge, mais elle doit se faire de façon progressive. L'objectif premier peut ainsi être un retour dans les locaux de l'école (par exemple en salle de permanence dans un premier temps, ou en récréation, ou à la cantine), avant d'envisager une reprise progressive des cours. L'élaboration d'un Projet d'Accueil Individualisé (PAI) permet d'adapter la réinsertion scolaire en fonction du cadre thérapeutique adopté. Les modalités pratiques de la scolarisation y seront définies en accord avec le médecin de l'enfant : modalités d'accueil dans l'établissement -en classe ou dans un autre lieu- ou hors établissement, par exemple dans le cadre d'un accompagnement pédagogique à domicile (SAPAD, voir document correspondant). Le PAI devra être très régulièrement suivi et réévalué lors d'échanges entre le thérapeute, le médecin de l'éducation nationale et les enseignants en fonction de la progression de l'état de santé du jeune.


Quand faire attention ?


L'école a un rôle important à jouer dans le dépistage de la phobie scolaire. Au plus le diagnostic est précoce, au plus la prise en charge peut être débutée rapidement, meilleur est le pronostic. En cas d'absentéisme répété, il est essentiel que la différenciation soit claire entre la phobie scolaire, le désintérêt scolaire, les conduites addictives ou la maltraitance (racket, harcèlement...). Il faut savoir évoquer la phobie scolaire en cas d'absentéisme important, excusé ou justifié par les parents, associé à des sentiments d'angoisse vis-à-vis du milieu scolaire, lesquelles sont parfois rationalisées secondairement pour justifier le refus d'aller en classe : crainte en raison d'un examen ou d'un contrôle, critique de l'enseignement, crainte d'être rejeté ou de subir la moquerie des autres...


Comment améliorer la vie scolaire des enfants malades ?


Le PAI permet de formaliser les modalités pratiques de la scolarisation, définies en accord avec le médecin de l'enfant. Il prend en compte le projet du jeune, sa capacité à s'engager à être présent dans l'établissement (ce qui peut constituer une première étape) puis à assister à des cours qu'il a lui même choisis, tout en ménageant la susceptibilité des enseignants par des préconisations d'horaires et non de choix de cours. Il acte aussi l'engagement de l'élève et de sa famille. Le temps de présence dans l'établissement, les lieux de présence, les cours suivis, et les temps thérapeutiques y seront contractualisés. Le PAI demande à être régulièrement suivi et réévalué en fonction de la progression de l'état de santé du jeune afin que la continuité scolaire puisse être assurée dans les meilleures conditions. Les cours par correspondance ne peuvent jamais constituer une réponse adaptée aux difficultés psychologiques de l'élève atteint d'une phobie scolaire, bien au contraire. Ils ne font que renforcer ses difficultés en l'isolant du milieu scolaire ; de la même façon, des changements d'école répétés ne font que déplacer les problèmes sur une autre école, parfois après une amélioration passagère.


L'avenir


Il y a peu de données chiffrées sur l'avenir des enfants atteints de phobie scolaire. La majorité parvient à reprendre une scolarité avec une intégration sociale satisfaisante, parfois malgré des difficultés persistantes. Pour les autres, l'évolution se fait dans le sens d'une impossibilité à reprendre une scolarité et à renouer avec la vie sociale, parfois du fait d'autres troubles psychologiques associés. De façon générale, plus l'absentéisme se prolonge, moins bon est le pronostic.


 

Bon courage à tous, et n'oubliez pas que quoi qu'il arrive, il n'existe pas de parents parfaits... juste des parents qui font au mieux !

 

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